RESUME
Sidi Mohammed commence par évoquer la maison où il habitait à Fès ( Dar Chouafa)
avec d’autres familles. Ensuite, il rapporte quelques scènes qui se
déroulaient chez la voyante au rez-de-chaussée avant d’enchaîner avec
ses mornes journées au Msid. A l’âge de six ans, il pouvait accompagner sa mère au bain maure (Hammam) qu’il
qualifie de véritable « enfer ». La narration de cet épisode est
constamment ponctuée de de--SS--ions relatives au caractère de Lalla
Zoubida, la mère du jeune garçon, qui cherche le moindre prétexte pour
déclencher une querelle, surtout avec Rahma, sa voisine. Contrairement à
son épouse, Maâlem Abdeslam fait montre d’une grande sérénité qui lui
attire la sympathie et le respect de tous les voisins.
AXES DE LECTURE
I- Dar chouafa
L’architecture de la
maison est très importante. Ce lieu que partagent plusieurs familles est
composé d’un rez-de-chaussée réservée à la voyante, d’un premier
étage occupé par Rahma, son mari et sa fille Zineb, et d’un deuxième
étage habité par la famille de Fatma Bziouya et la famille du narrateur.
Il s’agit d’une habitation collective qui donne sur un patio commun.
L’architecture de la construction est faite selon le schéma traditionnel
d’une halqa. Cette disposition permet au jeune héros de voir et d’entendre tout ce qui se passe pour nourrir son récit.
II- Les adultes
C’est en côtoyant les
adultes ou en les observant que Sidi Mohammed découvre leur vérité, une
vérité qui n’est pas toujours rassurante. Contrairement aux enfants de
son âge, l’enfant ne se contente pas de regarder. Il veut
comprendre : « Moi, je ne voulais rien imiter, je voulais connaître. »
II-1- Le bain maure
Le narrateur précise
d’emblée son âge ( six ans). Cette indication est importante pour la
relation de certains faits. En effet, si l’enfant était plus âgé, il ne
pourrait pas accompagner sa mère au hammam et décrire les scènes qui s’y passent : « J’avais peut-être six ans. Ma mémoire était une cire fraîche et les moindres événements s’y gravaient en images ineffaçables. »
Le
héros constitue progressivement sa personnalité. L’entrée dans le monde
féminin via le bain maure lui permet de découvrir un univers inconnu,
mais également de décrire un lieu traditionnel caractéristique de la
culture marocaine, un lieu dont il garde un souvenir des plus amers: « Je
savais qu’au fond d’un boyau noir et humide, s’ouvrait une porte basse
d’où échappait toute la journée un brouhaha continu de voix de femmes et
de pleurs d’enfants. La première fois que j’avais entendu ce bruit,
j’avais éclaté en sanglots parce que j’avais reconnu les voix de l’Enfer telles que mon père les évoqua un jour.
II-2- La dispute
La dispute entre Lalla
Zoubida et Rahma est apparemment anodine, mais pour l’enfant, elle revêt
une grande importance parce qu’elle révèle des traits de caractères des
adultes. Les deux femmes se lancent mutuellement des insultes qui les
rabaissent toutes les deux. Elles sont observées par un enfant qui reste
consterné devant la violence des leurs propos :
- De notre fenêtre du
deuxième étage, pâle d’angoisse et de peur, je suivais la scène, alors
que ma mémoire d’enfant enregistrait les phrases violentes.
- Je n’en
pouvais plus. Mes oreilles étaient au supplice, mon cœur dans ma
poitrine heurtait les parois de sa cage . Les sanglots m’étouffèrent
et je m’écroulais aux pieds de ma mère, sans connaissance.
CHAPITRE II
RESUME
Le narrateur se rappelle les journées passées à l’école coranique sous le regard sévère du fqih.
Il fait également allusion à la visite de Lalla Aïcha qui finit par
convaincre sa mère de l’emmener à Sidi Boughaleb pour conjurer le
mauvais sort qui le frappe. Serré de près par Lalla Zoubida, le jeune
garçon se contente d’observer le cimetière où s’érige le mausolée du
saint. Le rituel exécuté par les deux femmes près du catafalque éveille
sa curiosité.
De retour à la
maison, l’enfant rapporte les discussions entre les voisines de Dar
Chouafa et définit la nature du métier pratiqué par son père. Il
poursuit son récit en relatant d’autres épisodes qui l’ont marqué,
notamment le présent offert par Rahma, un cabochon qu’il cache
jalousement dans sa Boîte à Merveilles.
AXES DE LECTURE
I- Le Msid
Dans ce lieu de l’enseignement traditionnel marocain, l’enfant est confié aux soins d’un adulte, le fqih, qui inspire une grande terreur aux élèves. Il est décrit comme « un grand maigre à barbe noire, dont les yeux lançaient constam-ment des flammes de colère . »
Comme de nombreux auteurs marocains
( Charaïbi et Khatibi entre autres ), Sefrioui
considère le Msid comme un lieu de punition :
« A six ans, j’avais déjà conscience de l’hos -
tilité du monde et de ma fragilité. Je connais
sais la peur , je connaissais la souffrance de
la chair au contact de la baguette de cogna-
Ahmed Ben Ali Rbati, Ecole coranique à Tanger.
|
ssier . Mon petit corps tremblait …. »
II- Pratiques et croyances
L’enfant se montre très attentif aux gestes et aux paroles des adultes. Ses observations s’intéressent
aussi bien aux pratiques
qu’aux croyances des « grandes personnes » qui représentent la mentalité
des gens de la société traditionnelle marocaine :
- Elle souffrait d’une
terrible migraine. Pour enrayer le mal, elle avait les trempes garnies
de rondelles de papier bleu copieusement enduites de colle de farine.
- Les yeux du monde
sont si mauvais, le regard des envieux a éteint l’éclat de ce visage qui
évoquait un bouquet de roses. Te souviens-tu de ses joues qui suaient
le carmin ?(…)
- Je peux te donner un conseil, dit Lalla Aîcha ; montons tous les trois cet après-midi à Sidi Boughaleb (…)
Si tu lui faisais boire de l’eau du sanctuaire, il retrouverait sa
gaieté et sa force.(…) Ma mère trouva un gobelet et me fit boire. Elle
se versa un peu de liquide dans le creux des mains et sur ses chevilles.
Tout en procédant à ce rituel, elle marmonnait de vagues prières, des
invocations…(…) En arrivant devant le catafalque, Lalla Aîcha et ma mère
se mirent à appeler à grands cris le saint à leur secours. L’une
ignorait les paroles de l’autre, chacune lui exposait ses petites
misères, frappait du plat de la main le bois du catafalque, gémissait,
suppliait, vitupérait contre ses ennemis.(…) La gardienne ouvrit ses
deux mains, reçut le don et entama une longue oraison.
Lalla Zoubida emmène son
fils à Sidi Boughaleb pour le protéger contre le mal qui le guette, or
c’est précisément dans le mausolée du saint que le mal le frappe.
L’incident du chat ne risque-t-il pas de brouiller les repères du jeune
garçon qui éprouve la souffrance physique là où il espérait trouver la
paix de l’âme ?
Bab Boujloud à Fès
|
- Il me regarda de ses
yeux jaunes, ronronna et m’envoya un magistral coup de griffe. Le sang
gicla. Ma main se mit à me cuire atrocement. Je poussai un cri (…) La
blessure me faisait mal et je hurlais…
III-Un univers de contes
Ne pouvant pas s’affirmer
au milieu des adultes, l’enfant crée son propre monde, un monde
imaginaire plein de merveilles. La boîte où il cache des objets
hétéroclites lui procure d’intenses moments de bonheur tout comme les
créatures dont il est le seul à comprendre le langage :
- Installé dans un coin
de la pièce, j’osai enfin le regarder. C’était un gros cabochon de
verre à facettes, taillé en diamant, un bijou fabuleux et barbare
provenant à n’en pas douter de quelque palais souterrain où demeurent
les puissances de l’Invisible . Etait-ce un messager de ces lointains
royaumes ? était-ce un talisman ? Etait-ce une pierre maudite qui
m’était remise par notre ennemie pour attirer sur nous la colère des
démons ? (…) Il prendra place dans ma Boîte à Merveilles et je saurai
découvrir ses vertus.
- Deux moineaux
viennent se poser sur le mur du patio, je les entendais sautiller d’un
endroit à l’autre, frappant l’air de leurs courtes ailes. Ils
discutaient avec passion et je comprenais leur langage …(…) Je
comprenais le langage des oiseaux et bien d’autres bêtes ….
CHAPITRE III
RESUME
Après avoir
brièvement parlé de l’école coranique et du cadeau qui lui a été donné
par Rhama, Sidi Mohammed s’émerveille à la vue de la lampe à pétrole qui
éclaire la chambre de fatma Bziouya. Sous l’insistance de sa mère, son
père finit par en acheter une à son tour. L’introduction de ce moyen
d’éclairage moderne dans la maison illumine la vie de toute la famille.
Parmi les autres épisodes caractéristiques de ce chapitre, figure celui
qui est consacré à la disparition de Zineb au mausolée des Idrissides et
au repas offert par Rahma aux mendiants pour remercier Dieu de lui
avoir rendu sa fille.
AXES DE LECTURE
I- Un lieu de souffrance
Nous avons déjà parlé de la sensation d’oppression que ressent Sidi Mohammed au Msid.
Cette école est encore une fois assimilée à un lieu de torture. Espace
clos plongé dans une chaleur étouffante, elle ravive le désarroi des
enfants surveillés de près par un fqih sévère :
- Mes doigts me faisaient mal à force de cogner sur ma planchette de buis (…) Le maître somnolait, sa longue baguette à la main (…)
- J’avais chaud aux joues. Mes trempes bourdonnaient(…)
- Le maître se réveilla, distribua au hasard quelques coup de baguette et se rendormit.
- Nous étions heureux quand commençaient ces litanies. Elles signifiaient la fin de nos souffrances.(…) Enfin, le maître nous libéra un à un.
II- La vie en collectivité
La lampe à pétrole acquise par Fatma Bziouya est une nouveauté qui révolutionne la vie à Dar Chouafa.
Le fait d’introduire un objet moderne dans un espace profondément ancré
dans la tradition interpelle tous les habitants de la demeure des
plus petits aux plus grands :
- Que dis-tu ? Une lampe ? Attends, j’arrive.
- Oh ! merveille ! Au
centre du mur, une lampe à pétrole était accrochée. Une flamme blanche
et paisible dansait imperceptiblement dans un verre en forme de
clarinette.
- Vous devriez en acheter une, la chambre paraît plus accueillante et plus gaie.
- Tous les gens « bien » s’éclairent au pétrole, dit-elle pour conclure.
- Je rêvais cette nuit d’une belle flamme que je réussis à tenir prisonnière dans mon cabochon de verre taillé en diamant.
- La chouafa qu’on appelait « Tante Kanza » monta admirer notre nouvelle acquisition.
III- La disparition de Zineb
III- 1- La solidarité dans le malheur
La disparition de Zineb
révèle la grande solidarité des habitants de Dar Chouafa dans les
moments difficiles. Lalla Zoubida qui s’est disputée avec la mère de
la fille égarée est la première à aller aux nouvelles : « Ma
sœur ! Ma pauvre sœur ! Que t’est-il arrivé. Nous pouvons peut-être te
venir en aide. Cesse de pleurer, tu nous déchires le cœur. »
- Toutes les femmes entourèrent Rahma la malheureuse.
- La nouvelle de cette
disparition se propagea instantanément dans le quartier. Des femmes
inconnues traversèrent les terrasses pour venir prendre part à la
douleur de Rahma.
Le repas offert aux
mendiants par Rahma permet au narrateur de décrire d’autres aspects de
la culture traditionnelle marocaine où le social se mêle au
religieux : préparation de la nourriture, accueil des invités,
distribution des plats, chants qui accompagnent la cérémonie, fête
improvisée par les femmes, etc.
III- 2- L’imitation des adultes
Sidi Mohammed n’a aucune envie de se lamentent sur le sort de Zineb surtout qu’il n’aime pas cette dernière ( Sa disparition me réjouissait beaucoup).
Mais en se trouvant au milieu des adultes qui pleurent à chaudes
larmes, il cède à l’envie de les imiter parce que les adultes veulent
que ça se passe ainsi : « Il semblait que la bienséance
l’exigeait ; je pleurais aussi parce que ma mère pleurait et parce que
Rahma qui m’avait fait cadeau d’un beau cabochon de verre avait du chagrin. »
Cependant, la raison de cette crise de larmes, comme le révèle le
narrateur un peu plus loin, n’a rien à voir avec la prétendue compassion
avec la mère affligée : « Cela m’est égal qu’on ne retrouve pas Zineb, je pleure parce que j’ai faim. »
IV- Un monde merveilleux
Quand Sidi Mohammed se
sent triste, il ouvre sa Boîte à Merveilles et contemple longuement ses
trésors dont il est le seul à pouvoir sonder les secrets. Il leur parle,
les caresse et les protège. Ce sont ses vrais amis ; ils lui permettent
de vivre dans le rêve ce qu’il ne peut pas vivre dans la réalité :
- Je sortis ma boîte, la vidai sur un coin du matelas, regardai un à un mes objets (…)
Ce soir, ils ne me
parlaient pas. Ils gisaient inertes, maussades, un peu hostiles. Ils
avaient perdu leur pouvoir magique et devenaient méfiants, secrets (…)
- Ils se réveillèrent dans le noir pour se livrer à mon insu à des feux fastueux et délicats (…)
- Mon innocent cabochon
de verre grandit, se dilata, atteignit les proportions d’un palais de
rêve, s’orna de lumière et d’étoffes précieuses. Les clous, les bouchons
de porcelaine, les épingles et les perles changés en princesses, en
esclaves, en jouvenceaux, pénétrèrent dans ce palais, jouèrent de douces
mélodies.
Mais ce voyage dans le monde merveilleux est constamment brisé par le retour à la triste réalité :
L’enchantement disparut, je trouvai simplement un cabochon de verre,
des boutons et des clous sans âme et sans mystère. Cette constatation
fut cruelle. J’éclatai en sanglots. Ma mère survint, parla de fatigue,
m’emmena dormir.
CHAPITRE IV
RESUME
Sidi Mohammed et sa mère rendent visite à Lalla Aïcha qui habite une maison simple mais où il fait bon vivre. L’enfant suit attentivement la conversation des deux femmes qui parlent des voisines et de bien d’ autres sujets. Les gamins de la maison invitent le jeune garçon à jouer au jeu de la mariée avec eux, un jeu qui se termine, naturellement, par une dispute. De nouveau placé à côté de sa mère, le narrateur prête l’oreille à tout ce qui se dit. Après le retour de Moulay Larbi, les deux femmes se séparent provisoirement. Lalla Aïcha rejoint aussitôt son invitée et lui confie son malheur : son mari a été trahi par son associé et risque de comparaître devant le pacha. Cette triste nouvelle accable Lalla Zoubida qui fait part de son chagrin à Maâlem Abdeslam une fois rentrée chez elle.
AXES DE LECTURE
I- Récits vécus et récits racontés
Certains événements sont
racontés par le narrateur qui se base sur ce qu’il voit et ce qu’il
ressent. Dans cette catégorie entrent les séquences consacrées au Msid,
au bain maure et à la visite de Sidi Boughaleb entre autres. Mais il y a
d’autres faits dont la relation est confiée à d’autres personnages
parce que Sidi Mohammed n’a pas pu obtenir, pour une raison ou pour
une autre, les informations nécessaires pour étoffer son récit. Dans
cette deuxième catégorie entre le récit que Lalla Zoubida fait à son
mari à propos de la mésaventure de Moulay Larbi. Le narrateur justifie
ce choix dans un passage qui montre clairement qu’il manque de détails
pour se prononcer sur l’affaire secrète : « Ma mère discutait à
demi-voix avec son amie. Je n’osais pas m’en approcher. J’entendis le
mot « pacha » plusieurs fois au cours de leur mystérieux dialogue. »
Le malheur arrivé au mari
de Lalla Aïcha est rapporté par la mère du narrateur qui, toujours
fidèle à ses habitudes, informe son époux de tout ce qui s’est passé
pendant la journée. Ce n’est qu’à ce moment-là que le jeune garçon
apprend, en même temps que le lecteur, de quoi il s’agit : « Moulay Larbi, le mari de Lalla Aïcha s’est disputé avec son associé, un certain Abdelkader fils de je ne sais qui… ».
II- L’intérêt du récit oral
Abdellah
l’épicier exerce une influence considérable sur le narrateur à cause
des histoires qu’il raconte avec éloquence. La manière dont son père
parle de ce personnage singulier suscite en lui un sentiment de grande
admiration pour le conteur hors pair : « Mon père qui ne parlait pas
souvent consacra une soirée entière à entretenir ma mère d’Abdellah, et
de ses histoires. Le récit de mon père excita mon imagination, m’obséda
durant toute mon enfance. »
La
découverte du conteur permet à Sidi Mohammed de découvrir un autre
type d’hommes qui sont marginalisés et qui mènent une vie très simple.
Ils sont la preuve vivante que c’est le menu peuple qui détient
l’âme de la culture marocaine : Abdellah connaît bon nombre
d’histoires. Celles qu’‘il raconte sont rarement amusantes. Elles se
terminent brusquement, sans recherche d’effets, sans conclusion
apparente (…) Abdellah ressemble étrangement à ses histoires. Il y a de
la poésie et du mystère en lui (…) Il en a raconté des histoires,
Abdellah, depuis son arrivée ! Il ne répète jamais la même et semble
inépuisable. Il en raconte aux enfants, aux grandes personnes, aux
citadins et aux campagnards, à ceux qui le connaissent comme aux
visiteurs d’un jour.(…) Les histoires d’Abdellah durent parfois un quart
d’heure et parfois une matinée. Il les raconte sans sourire, au rythme
solennel de son chasse-mouches. Il conte sans interruption, sans boire
ni se racler la gorge, sans agiter les mains, ni occuper ses doigts.
CHAPITRE V
RESUME
La Achoura approche. Le fqih annonce la nouvelle à ses élèves et leur demande de peindre les murs du Msid où on célébrera la fête. Après avoir participé aux travaux, Sidi Mohammed retourne à la maison mais il n’y trouve pas sa mère. L’absence de cette dernière suscite en lui un effroyable sentiment de peur et de solitude. Lorsque Lalla Zoubida rentre chez elle, elle raconte la mésaventure de Moulay Larbi à Fatma Bziouya mais en paroles chuchotées. Sur ces entrefaites, on annonce le décès de Sidi Mohammed
ben Tahar. Ce triste événement interpelle vivement l’enfant qui commence à méditer sur la vie et la mort.
Toujours fidèle à ses habitudes en cas de détresse, le petit garçon essaie de se consoler par le bruit des objets qui l’entourent, et surtout par l’aspect magique des trésors que renferme sa Boîte à Merveilles.
AXES DE LECTURE
I- Un grand bonheur en perspective
La fête de la Achoura qui
est évoquée tout au long des chapitres V-VI et VII se pré sente comme
une occasion rare qui arrache les enfants à leur calvaire quotidien.
L’attitude aimable du fqih et l’ambiance sereine qui règne à l’école procure des moments de joie intense à Sidi Mohammed :
- Je n’avais jamais vu le maître du Msid aussi souriant que le mercredi.
- Pas un
élève ne reçut la bastonnade. La verge de cognassier devenait un
accessoire de fantaisie, un de ces objets que l’on tient pour occuper
les doigts.
- Tous les élèves viendraient pour inaugurer la nouvelle année dans la joie et dans le travail.
- Enfin, à notre grande joie, nous eûmes congé pour le reste de la journée. Quel bonheur !
II- L’expérience de la solitude
La joie de l’enfant ne tarde pas à disparaître. A la maison, Fatma Bziouya l’informe que sa mère est sortie avec Lalla Aïcha. L’enfant, habitué à la présence de sa mère qu’il accompagne partout à où elle va, se confronte pour la première fois à la solitude ; une solitude qui prend des proportions effrayantes au fur et à mesure que le temps passe :
- J’entrai. Les objets,
ne me connaissent plus, ils m’opposaient un visage hostile. Ils
s’amusèrent à m’effrayer, ils se transformaient en monstres ,
redevenaient objets familiers, empruntaient de nouveaux masques de
bêtes d’apocalypse . Je me tenais sur un matelas, terrifié , la gorge
sèche , attendant le retour de ma mère, seule personne capable de me
délivrer de ces sortilèges . Je ne bougeais pas de peur d’exciter
l’animosité des êtres qui m’épiaient derrière chaque chose. Des siècles
passèrent.
III- Un récit éclaté
Nous ne connaissons pas la
totalité de l’histoire de Moulay Larbi avec son associé. Le récit la
concernant a été précédemment amorcé par Lalla Zoubida, mais le
narrateur, mis à l’écart par les adultes, n’a pas pu nous donner
davantage d’informations. C’est donc sa mère qui se charge de la
relation des faits manquants, mais ces faits sont souvent entourés de
mystère. Le lecteur reste donc constamment sur sa faim.
-
Ma mère, mystérieuse, lui fit promettre la plus grande discrétion.
Ensuite, elle se lança dans un long discours chuchoté de bouche à
oreille, accompagné de mimique, de larges gestes des deux bras, scandés
de soupirs, illustré de hochements de tête.(…) Je savais qu’elle
chuchotait quelque part à Rahma, la locataire du premier, la nouvelle
histoire de Lalla Aïcha, après lui avoir fait promettre le secret. Je
savais aussi que je n’avais qu’à attendre. Je glanerai un mot ici, un
autre là, je saurai de quoi il s’agit.
Le dialogue qui s’engage entre Lalla Zoubida et Rahma, fréquemment ponctué de digressions [1], éclaire la lanterne du petit garçon qui découvre enfin le fin mot de l’histoire.
IV- La méditation sur la mort
Le décès de
Sidi Mohammed ben Tahar incite le héros à s’interroger sur la nature de
la mort en se basant sur ses propres repères. Mais ce qui attire son
attention, c’est surtout l’élan spontané des habitants du quartier qui
partagent tous le malheur de la femme du défunt. Cet élan du cœur des
gens simples de souche populaire est évoqué à plusieurs endroits du
récit :
IV-1- Un élan spontané
- Je vais passer
par-dessus le mur, cela me fera du bien d’aller pleurer un peu.(…) Elles
étaient une vingtaine qui manifestaient bruyamment leur douleur.(…)
certaines hoquetaient sans rien dire, d’autres invoquaient les saints,
adressaient de ferventes prières à Dieu et à son prophète.(…) Ma mère
parla de la douleur de la femme du coiffeur, cita les noms de quelques
assistantes, avoua qu’elle ignorait l’existence de la mère.(…) Chacun de
ses cris arrachait un puissant soupir à ma mère.(…) Les femmes de notre
maison lâchèrent leur ouvrage. Elles se mirent à pleurer, à gémir près
de leurs braseros et de leurs marmites.
IV-2- Tous les êtres sont mortels
L’expérience vécue par
l’enfant dans la maison du défunt lui fait découvrir la vérité de la
mort et tout le rituel qui l’accompagne. Tout le monde tire de
cet événement une conclusion « éminemment
philosophique » : Tous les êtres sont mortels ; tôt ou tard viendra notre tour.
- Tout à l’heure, après
les ablutions rituelles, il sera vêtu pour la dernière fois de blanc.
Des hommes le porteront sur leur tête sur une confortable civière en
bois de cèdre et iront l’enfouir dans la terre humide. La terre se
refermera pour l’éternité sur Sidi Mohammed ben Tahar. Je rêvais à tout
cela.
-Je me jetai dessus et
continuais à penser à l’enterrement du coiffeur. Je le voyais
étroitement cousu dans sa cotonnade blanche, rigide sur sa civière
recouverte d’un toit, voyager sur une mer de têtes enturbannées.
- J’avais même vu des
morts découverts, posés simplement sur la civière et sans personne pour
les accompagner à leur dernière demeure. J’avais trouvé cela
infiniment triste.
L’histoire racontée par
Maâlem Abdeslam à son fils confirme le constat de l’enfant. Les gens
participent en grand nombre au cortège funèbre des hommes riches mais
ils n’accompagnent pas les pauvres à leur dernière demeure. Cette triste
révélation marque durablement Sidi Mohammed qui finit par avoir un
malaise, un malaise où il voit planer partout le sinistre spectre de la
mort :
- Peut-être aurais-je derrière mon cercueil des anges beaux comme la lumière du jour.
- J’imaginais le
cortège ; quelques personnes du quartier, le fqih de l’école coranique,
mon père, plus grave que jamais et des anges, des milliers d’anges vêtus
de soie blanche. A la maison, ma mère pousserait des cris à se déchirer
le gosier ; elle pleurerait pendant des jours et pendant des nuits.
Elle serait toute seule le soir pour attendre le retour de mon père.
V- Le sens des bruits et des objets
Chaque fois que la
communication devient impossible avec les adultes ou même avec les
enfants de son âge, Sidi Mohammed instaure un dialogue avec les objets
qui l’entourent et qui lui parlent comme des êtres humains. C’est sa
façon à lui de rompre avec le monde réel et de plonger dans un univers
imaginaire qui lui prodigue d’intenses moments de féerie :
- Notre vieux soufflet
se fit de nouveau entendre. Il était fatigué et ne savait dire que ces
mots : Des mouches ! Des mouches ! des mouches !
- Celui de Rahma
variait son répertoire. Parfois il prenait plaisir à répéter : J’ai
chaud ! J’ai chaud ! ou alors : je souffre ! je souffre !
- Je cessais d’écouter
les soufflets. D’autres bruits venaient me distraire. Des explosions
d’étincelles roulaient comme des billes qui se répandaient sur le
parterre en mosaïque (…) Un pigeon roucoula sur la terrasse. Il disait
des mots si jolis que je souriais aux anges.
-Un gros bourdon ( …)
claqua contre le mur (…) et se projeta violemment sur la fenêtre de
notre chambre, sur le verre de la lampe à pétrole. Le verre tinta mais
résista au choc. Cette visite m’enchanta. Je me mis à rire et à taper
des mains.(…)
- La chaînette
délicatement travaillée absorba mon attention. Je la contemplais
longtemps.(…) Ma chaîne se changea en bijou d’or.(…)
Les plus humbles de
mes boutons et de mes clous, par une opération de magie dont j’avais
seul le secret se muèrent en joyaux.(…) Absorbé dans la contemplation de
mes trésors, je n’avais pas vu entrer le chat de Zineb.
CHAPITRE VI
RESUME
Les préparatifs de la Achoura commencent. Au Msid, les
élèves se répartissent les tâches. Certains lavent le sol à grande eau,
d’autres blanchissent les murs avec du lait de chaux. Ces activités
inaccoutumées se déroulent dans une ambiance pleine de joie et de
spontanéité. A la maison, Lalla Zoubida informe son fils qu’elle compte
lui acheter de nouveaux vêtements à la Kissaria. La perspective d’une
sortie en médina emplit le jeune garçon de bonheur.
De retour à Dar Chouafa,
le narrateur rapporte le récit de Rahma à propos de l’oncle Othmane et
son épouse. La manière dont la conteuse raconte les faits subjugue tout
son auditoire. Sidi Mohammed en garde une très forte impression.
AXES DE LECTURE
I- Les préparatifs de la fête
I-1- Au Msid
Le Msid, assimilé
auparavant à un lieu de refoulement et de vexations, devient un espace
agréable où les enfants s’épanouissent dans une ambiance faite de rire,
de cris et de disputes finalement tranchées par le maître des lieux :
- Le travail commença. Dans un vacarme d’injures, de pleurs et d’éclats de rire, quelques uns s’emparèrent des têtes de loup…
- Dans l’eau jusqu’aux
chevilles, pieds nus, bousculé pare celui-ci, insulté par celui-là,
j’étais heureux ! Adieu la leçon, les récitations collectives, les
planchettes rigides, rébarbatives, inhumaines !
- Devant mes parents,
je me vantai de mes multiples exploits. Je réussis à la convaincre que
sans moi aucun résultat sérieux n’aurait été obtenu. Mon père me
félicita.
I-2- A la maison
La joie de la fête
continue à la maison. Lalla Zoubida tient à habiller son fils comme il
faut pour la grande occasion. Les jours heureux que Sidi Mohammed
s’apprête à vivre le submergent de bonheur.
- Ce matin, je me
sentais capable de bonté, d’indulgence, j’étais d’une générosité sans
bornes. Je pardonnais à Zineb (…) Je pardonnais à son chat (…) Je
pardonnais aux mardis d’être des jours trop longs, à la baguette de
cognassier de mordre si souvent (…) je pardonnais aux jours de lessive
(…) je pardonnais à tout le monde.
Le bonheur de l’enfant
prend des proportions merveilleuses. Sidi Mohammed ne se considère plus
comme un simple enfant ivre d’extase, mais comme un chevalier intrépide,
un prince de conte entouré de splendeurs :
- Je montai sur la
terrasse où personne ne pouvait me voir éparpiller aux quatre vents
l’excès de joie dont je me sentais déborder. Je courais, je chantais.
La baguette devenait un sabre . Je la maniais avec adresse. Je
pourfendais des ennemis invisibles, je coupais la tête aux pachas (…)
La baguette devenait cheval (…) J’étais le cavalier courageux.(…)
Le rouge du gilet prenait des tons de velours cramoisi. Une belle
couleur profonde , discrète et royale à la fois qui m’enivrait. Je me
sentais gonflé d’un noble orgueil. Ce vêtement était le mien. Le jour de
la Achoura, j’allais éblouir nos amis et connaissances. Les élèves du
Msid me parleraient avec déférence. Aux princes de légende , petits
et grands s’adressaient avec respect. Ne serais-je pas un prince de
légende avec ce gilet somptueux, ma future chemise de qualité
« poisson » et la paire de babouches.(…) Je me mis sur le dos et
entrepris de composer un menu fastueux pour le jour où, prince
reconnu et aimé , j’aurais à recevoir des personnes de mon rang.(…) Moi,
je serai habillé en blanc. Sur la tête, je mettrai le bonnet conique
d’un rouge amarante, apanage des gens de cour et des derviches. Des
esclaves noires nous serviront dans des plats de porcelaine .
DOCUMENT
Achoura, fête de l’enfance, de la famille et des traditions
Le Maroc célèbre, demain 10 Moharram, l’Achoura ; une
fête qui est perçue, depuis des siècles, comme celle de l’enfance.
Cette manifestation revêt une signification spirituelle et sociale
indéniable. C’est aussi un jour de partage et de charité. Au cours de
cette journée, en effet, les enfants donnent libre cours à leur joie.
A cette fête
se sont greffées des traditions telles que la visite des cimetières,
la distribution des friandises et de nombreuses pratiques à caractère
carnavalesque : feux rituels, aspersion d’eau des passants, etc. La
tradition veut aussi que l’on offre des jouets aux enfants. Un rituel
peut accompagner la fête : les familles se régalent d’un couscous au
"gueddid" (viande séchée de Aïd El Kébir). Elles achètent des noix, des
amandes et des dattes et font brûler de l’encens tout au long de leurs
veillées.
Cette coutume a, cependant, tendance à disparaître
progressivement ; la plupart des parents se contentant d’acheter des
jouets à leurs enfants.
Jadis, les "derboukas", "bendirs" et "taârijas"
étaient les seuls jouets offerts en l’occasion. Aujourd’hui, ce sont
plutôt les pistolets à eau, les poupées, les pétards et les jeux vidéo
qui remportent le plus de succès. Le lendemain de l’Achoura, c’est
"Zem-Zem". Les enfants y disposent d’une totale liberté pour asperger
voisins, amis et passants. Garçons et filles, dont l’âge n’excède pas 12
ans, trottent dans les rues à la recherche d’une proie ou d’un point
d’eau pour s’approvisionner. Pistolets à eau, bombes à eau, sacs et
ballons de plastique, seaux... Tous les récipients sont mobilisés pour
l’événement. Les pétards sont également de la partie. Le soir, la fête
continue avec la "chouâla" (feu rituel). Ailleurs, dans le monde chiite,
l’Achoura est le jour anniversaire du martyre du second et dernier fils
de l’Imam Ali, Sidna Al Hosseïn. En ces pays, la célébration de
l’Achoura donne lieu à des représentations théâtrales (les tazieh) et à
des cérémonies expiatoires (flagellation, etc.)."
LE MATIN du 23/03/2002
|
II-Le récit de Rahma
Rahma s’avère une
excellente conteuse. Son discours oral, savamment intégré dans le roman,
s’annonce captivant dès le début. La jeune femme ne se contente pas de
rapporter les faits. Elle se comporte exactement comme un conteur dans
une halqa. Elle pique la curiosité de son auditoire et joue sur
ses attentes. Quand on pose la question comment Khadija traite son
mari, Rahma répond qu’elle connaît « une histoire fort amusante »
sur le ménage, mais qu’elle est un peu longue. L’obstacle qu’elle pose
n’est en réalité qu’une feinte et une invitation à l’écoute de son
récit. La réaction du public qui l’entoure ne se fait pas attendre : « Raconte Rahma, raconte-là ! demandèrent les femmes d’une seule voix. » .Ce n’est donc pas l’histoire en elle-même qui est intéressante, mais la manière de la relater.
Après avoir gagné la
faveur de ses auditrices, Rahma se lance dans la narration et y met
constamment du sien. Elle raconte l’histoire comme si elle en était
l’unique témoin, or le narrateur a déjà précisé qu’elle la tenait de
Lalla Mbarka, l’ancienne esclave de l’oncle Othmane. Les femmes de Dar
Chouafa fascinées par l’art de Rahma, abandonnent leurs tâches
ménagères. Le temps paraît comme suspendu à la maison : « J’allais me pencher à la fenêtre, aux côtés de ma mère.
Toutes les femmes avaient abandonné leurs besognes et s’accoudaient
aux grilles et balustrades de leurs balcons. Lalla Kanza sortit un vieux
tapis de prière , s’installa pour écouter dans le patio. »
L’atmosphère de l’audition
est décrite dans un commentaire du narrateur pour souligner les
réactions des auditrices au fur et à mesure que progresse le récit de
Rahma : « Tout le monde riait aux larmes. Rahma savait si bien
raconter… Les femmes hurlaient de joie. Moi, je trépignais
d’enthousiasme. Je réclamai la suite…Nous riions à nous tordre…Tout le
monde fit des compliments à Rahma sur sa façon de peindre les événements
les plus insignifiants. Ses propos avaient du sel… Le récit de Rahma
m’obséda toute la soirée, la nuit, j’y rêvai encore. »
CHAPITRE VII
RESUME
Tout le monde, petits et grands, se prépare à la célébration de la Achoura. Les femmes se confectionnent de belles robes et les enfants sont parés de jolis vêtements neufs. Le Msid
brille de mille feux et les rues sont encombrés de gens qui veulent
acheter des jouets à leurs petits. Sidi Mohammed accompagne son père
chez le coiffeur pour se faire couper les cheveux. Il rapporte en détail
les conversations qui se déroulent dans la boutique de Si
Abderrahmane et qui lui inspirent un profond dégoût. De retour à la
maison, le jeune garçon assiste à la cérémonie organisée par les femmes
de Dar Chouafa. Le bruit des tambourins fuse de toutes parts
accompagné de danse et de chants. Tout baigne dans une atmosphère de
joie festive.
AXES DE LECTURE
I- Au cœur de la tradition
1-1- Le social et le religieux
Spectacle en public à Fès.
|
Le chapitre VII, entièrement consacré à la Achoura,
raconte avec vigueur la célébration de cette fête où le social et le
religieux cohabitent en parfaite harmonie. Cette partie du roman peut
être considérée comme un précieux document qui décrit fidèlement le
Maroc traditionnel. On y trouve tout ce qui se rapporte à l’événement :
les instruments de musique, les vêtements, les jouets, les chants et le
sentiment de tolérance générale éprouvée à cette occasion. Les
animosités disparaissent et cèdent la place à un bonheur spontané.
L’auteur restitue tout cela dans un style sobre qui va droit à l’essentiel pour ne pas faire trop languir le lecteur :
- Les femmes de la maison s’achetèrent toutes des tambourins.
- Maintenant, chacune
de nos voisines faisait ses gammes, jouait pour elle-même …(…) ; La
veille, mon père m’avait offert une trompette très fruste en
fer-blanc.(…) ; Dans toute la ville, les femmes essayaient leurs
tambourins . Un bour-donnement sourd couvrait l’espace.
- L’équipement des lustres pour la nuit de la Achoura réclamait
le concours de toutes
les maisons (…) Les grands, suspendus à une échelle branlante,
accrochaient aux auvents des fenêtres et au plafond de la salle des
lustres en fer forgé.(... ); Des femmes richement habillées se
penchèrent sur les murs pour nous admirer.
- Elle comptait me
réveiller à la première heure du jour pour aller au Msid commencer
l’année dans la joie, le travail et la récitation des verstes
sacrés.(…) ; La lumière brillait à toutes les fenêtres de la maison.
Hommes et femmes commençaient l’année dans l’activité.(…) ; Les passants
que nous rencontrions me souriaient avec bienveillance.(…) ; Cette
impression de fête fabuleuse s’accentua lorsque je poussais la porte du
Msid.(…) Je scandais les verstes coraniques avec conviction. D’autres
élèves arrivèrent. Le paquet de cierges grossissait à côté du fqih.(…) ;
Ce matin, les objets les plus ordinaires, les êtres les plus déshérités
mêlaient leurs voix aux nôtres, éprouvaient la même ferveur,
s’abandonnaient à la même extase…(…) ; La rue était maintenant très
animée. Presque tous les passants étaient habillés de neuf (…) ; Le
soir, des bouquets de femmes richement vêtues ornaient toutes les
terrasses. Les tambourins résonnaient, les chants fusaient de partout.
II-Les petits métiers
La tradition est également faite de petits métiers dont certains s’épanouissent pendant la Achoura
(vente de tambourins, de jouets et de tissu). Dans cet épisode, le
narrateur s’attarde sur le métier de coiffeur, une activité qui
s’intéresse aussi bien à l’organisation des fêtes, qu’ à la chirurgie et
la pharmacie :
- Les barbiers
participent à de nombreuses cérémonie familiales. A ma naissance, mon
père montagnard transplanté dans la grande ville, désirait néanmoins
fêter dignement mon arrivée au monde. Si Abderrahmane lui fut d’un
excellent conseil. Il vint selon l’usage, accompagné de deux apprentis,
placer les invités et faire le service pendant le repas.
- Nous le trouvâmes
occupé à pratiquer une saignée . Demande aux gens de ta maison de faire
frire dans du beurre un oignon blanc finement haché. Mélange à cet
oignon deux cuillerées de miel, de l’anis, et des grains de sésame,
ajoute du gingembre et de la cannelle, parfume l’ensemble avec trois
clous de girofle. Si tu absorbes une bouchée chaque matin, tes malaises
disparaîtront.
La boutique de Si
Abderrahmane est aussi un espace qui favorise la communication. Les
conversations pleine d’anecdotes et de plaisanteries que l’enfant ne
trouve pas toujours à son goût, gravitent autour de différents sujets et
révèlent l’image que les adultes se font des jeunes :
- Il faut toujours être
très bien avec son maître, sinon gare à la baguette de cognassier (…)
Tout le monde se mit à rire. La baguette de cognassier n’a rien de
risible.
Souk de Fès
|
- Depuis
quand, repartit le coiffeur, les jeunes gens ont-ils leur mot à dire
quand il s’agit de ces graves problèmes(…) Il leur manque l’expérience
des gens mûrs.
CHAPITRE VIII
RESUME
La vie reprend son cours normal après la Achoura. Sidi Mohammed fait de grands progrès au Msid. Dans ses moments libres, il s’abandonne à ses rêveries habituelles qui l’éloignent du monde réel et ses interminables tracas. Un jour, son père l’emmène avec sa mère au souk des bijoux pour acheter une paire de bracelets à Lalla Zoubida. Cette sortie est perturbée par un regrettable incident causé par un courtier, mais les choses ne tardent pas à rentrer dans l’ordre.
AXES DE LECTURE
I- Le songe
Comme à
l’accoutumée, Sidi Mohammed se réfugie dans le rêve pour rompre tout
lien avec la vie quotidienne qui devient de plus en plus insupportable.
Le rêve devient alors un moyen pour compenser les privations du héros
dans le monde réel :
- A cette recréation, je devais tout mon entrain. Mon esprit s’échappait des étroites limites de l’école et s’en allait explorer un autre univers, là il ne subissait aucune contrainte.
-
Dans cet univers, je n’étais pas toujours un petit prince auquel
obéissaient les êtres et les choses, il m’arrivait parfois de devenir
homme, l’homme que je souhaitais être plus tard.
-
Je me voyais simple et robuste, portant des vêtements de laine grège,
les yeux pleins de flamme et le cœur débordant de tendresse (…) ; La
nuit, sous ma couverture, je poursuivais le même songe.
-Je
construisais et reconstruisais ma vie avec ses multiples aventures, ses
rencontres, ses actions d’éclat, ses inévitables obstacles jusqu’au
moment où d’immenses îlots noirs venaient séparer les éléments
patiemment ajustés et rendre au chaos ce monde à peine naissant.
(…) ;Tout se brouillait. Dans le noir de la nuit, surgissaient de temps à
autre, comme emportés par le remous, les fragments épars de mon
univers (…) Et s’il me plaisait à moi d’être roi !
II- l’incident des bijoux
La scène
des bijoux n’est pas aussi insignifiante qu’elle n’en a l’air. Elle met
en évidence l’écart qui oppose deux conceptions : celle de l’enfant et
celle des adultes. Sidi Mohammed raisonne selon sa propre logique. Il
déclare spontanément que « les bijoux c’est beau comme les fleurs. »
Les adultes qui croient détenir la vraie logique éclatent de rire.
Cette réaction creuse un profond fossé entre le petit et les grandes
personnes :
« Je réfléchis très profondément à la conversation du déjeuner. Comparer les bijoux à des fleurs était-ce signe de stupidité ? »
La médina de Fès
|
Depuis cet
incident, l’enfant s’éloigne des adultes comme il s’est déjà éloigné des
garçons de son âge. Il est désormais voué à la solitude, une solitude
que seule sa Boîte à Merveilles est capable de combler.
CHAPITRES IX-X-XI-XII
RESUMES
Chapitre IX : Sidi
Mohammed tombe malade. Sa mère s’affaire à son chevet et les voisines ne
cessent de demander de ses nouvelles. Allongé sur un matelas, l’enfant
écoute la conversation de ses parents : son père a perdu tout son argent
qu’il gardait dans un mouchoir. Lalla Zoubida s’affole à l’annonce de
cette nouvelle. Son mari tente de la calmer sous le regard silencieux
du garçon alité. Enfin, il prend la décision d’aller travailler
ailleurs comme moissonneur pour redresser la situation.
Chapitre X : Le départ de
Maâlem Abdeslam dérègle complètement l’existence de son fils. Lalla
Zoubida fait de son mieux pour surmonter la dure épreuve en s’efforçant
de cacher son chagrin. Un jour, Lalla Aïcha propose à la mère du
narrateur de rendre visite à Si El Arafi, un fqih réputé pour
la guérison des âmes tourmentées. L’enfant éprouve une étrange sensation
devant cet homme aveugle qui parle avec éloquence et sagesse. De retour
à la maison, Lalla Zoubida reçoit un homme envoyé par son mari. Les
présents qu’il lui remet de la part de Maâlem Abdeslam lui réchauffent
le cœur ainsi qu’à son enfant.
Chapitre XI : Sidi
Mohammed et sa mère se rendent chez Lalla Aïcha. Là, ils trouvent Salama
qui raconte dans quelles circonstances elle a arrangé le mariage de
Moulay Larbi avec la fille du coiffeur. Mais le couple qu’elle a réuni
se heurte à beaucoup de problèmes. Il finit par se séparer à cause de la
différence d’âge. Moulay Larbi, regrettant sa folie, manifeste l’envie
de reprendre sa vie avec Lalla Aîcha. Zhor, une jeune fille que le g
héros trouve fort belle, se mêle à la conversation et achève le récit de
Salama. Complètement absorbés par les histoires qui se succèdent, Sidi
Mohammed ne prête aucune attention à ce qui se passe autour de lui.
Chapitre XII : Les jours
se suivent et se ressemblent. Après une longue absence, Maâlem
Abdeslam rentre chez lui chargé de différentes denrées alimentaires. Sa
femme et son fils trépignent de joie à sa vue. Les habitants de dar
Chouafa, quant à eux, lui réservent un accueil des plus chaleureux.
Moulay Larbi divorce de sa jeune épouse. Aucun obstacle ne peut empêcher
sa réconciliation avec Lala Aïcha désormais.
AXES DE LECTURE
I- Un personnage itinéraire
Comme de nombreux
personnages évoqués dans le roman et qui contribuent, chacun à sa
manière, à l’instruction de Sidi Mohammed, Si El Arafi exerce une
étrange influence sur le héros. Son éloquence, sa paix intérieure et sa
cécité qui passe presque inaperçue, forcent l’admiration du jeune
garçon. En sa présence, ce dernier oublie le monde des adultes
caractérisé par la violence des propos, la violence physique, la
tromperie et l’hypocrisie. Il se croit parler à un sage de contes, dans
un univers placé dans les hautes sphères célestes :
- Sa figure rayonnait
de bonté (…) ; Les globes laiteux qui remplissaient ses orbites ne
m’inspiraient aucune frayeur. Je m’avançai. Je mis ma main dans la
sienne. Je posai mes lèvres sur ses doigts .
- L’émotion m’étranglait. Mes yeux se remplirent de larmes. Je nageais dans la pure félicité.
Le discours serein du vieil homme, plein de métaphores, fascine littéralement le petit garçon :
- A l’intérieur de
cette masse transparente, il y a l’image du soleil. Là, elle est à
l’abri de toute souillure, là elle est inaccessible à tout ce qui n’est
pas lumière. Sois cette image, tu triompheras de tous les obstacles.(…)
La tempête emporta le pauvre nid dans ses tourbillons, mais avec l’aide
de Dieu, le nid sera de nouveau reconstruit. Il y aura de nouveau un
printemps et des fleurs sur les branches des amandiers.
II- L’ivresse verbale
L’histoire de Moulay
Larbi, gardée secrète jusqu’à présent, est d’abord racontée par Salama
qui dévoile à Lalla Aïcha les raisons qui ont poussé son époux à la
quitter. L’intervention de Zhor quant à elle insiste sur les problèmes
de ménage que rencontre le vieil homme avec sa jeune femme et qui
annoncent l’imminence du divorce. Dans les deux récits, les narratrices
se basent sur des faits glanés par ci par là et constamment nourries de
rumeurs : « Des gens ! A Fès, personne n’ignore rien sur personne. » ; « Pourtant, tous les habitants du quartier El Adoua sont au courant des d1ifficultés que rencontrent quotidiennement Moulay Larbi auprès de sa jeune épouse. »
Elles meublent
le vide que le narrateur n’a pas pu combler faute d’informations. Comme
dans le récit de Rahma, les auditrices manifestent dans cesse leur désir
de tout connaître :
- Raconte, Salama, ne nous fait pas languir. Raconte ! Raconte, Salama ! Raconte ! réclamèrent avec avidité les deux femmes.
Sidi Mohammed finit par
céder au charme des récits entendus. Son émerveillement traduit la
profonde influence qu’exerce la tradition orale sur les jeunes esprits.
Le roman n’est-il pas constamment enrichi de petites anecdotes racontées
par de nombreux narrateurs qui maîtrisent tous l’art de conteur ?
- J’étais attentif à la seule musique des syllabes . J’écoutais si intensément que j’oubliais le verre
de thé que je tenais à
la main. Mes doigts se relâchèrent. Le thé se répandit sur mes genoux.
L’ivresse verbale prit fin brusquement.
En accordant à ces
historiettes orales une place centrale dans son œuvre, Sefrioui rend un
vibrant hommage aux récits des petites gens souvent nourris de ragots
et de médisance.
III- Deux intrigues parallèles
L’histoire de Maâlem
Abdeslam et celle de Moulay Larbi marquent nettement le chapitre XII.
Elles commencent bien avant et rappellent la quête entreprise par les
héros de contes pour rétablir l’équilibre initial brisé par un événement
imprévu. Le parcours des deux personnages est presque identique comme
l’illustre le tableau ci-dessous :
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire